SMF

Sur la réforme de la formation des enseignants : quelle cohérence ?

Un communiqué de la SMF, de la SMAI et de la SFdS signé par les trois présidents.

Le ministre de l’Éducation nationale, conjointement avec la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, engage une réforme de la formation des enseignants. Concilier formation disciplinaire, didactique et pédagogique,  alternance avec le  terrain, formation à la recherche et par la recherche, ce difficile équilibre n’est pas encore atteint. De nombreux problèmes persistent, en particulier en mathématiques. Ce sont des questions qui ont été largement évoquées dans le rapport Torossian-Villani [1] et la SMF, la SMAI et la SFdS avaient contribué à leur analyse [2]. C’est la raison pour laquelle ces sociétés savantes se réjouissent de cette volonté d’évolution, mais elle s’inquiète fortement du manque de concertation,  d’informations, et de temps disponible pour la mise en œuvre par les collègues.

Des textes devraient paraître prochainement : le projet de loi «Pour une école de la confiance», l’arrêté révisé fixant le cadre national des formations de master MEEF, les référentiels de compétence à l’entrée et  la sortie du master, l’annexe au cadre national intitulée «Former l’enseignant du 21e siècle». Ces textes cadreront la répartition des différents types d’enseignement, la composition des équipes pédagogiques, les compétences à acquérir…  Ils impliqueront donc des évolutions  auxquelles il faudra s’adapter très rapidement, probablement trop rapidement pour que nous ayons collectivement suffisamment de temps et de perspectives pour créer des programmes cohérents et réalisables. Des versions provisoires des textes circulent, mais il est naturel d’attendre des textes officiels pour se mobiliser.

Par ailleurs, nous sommes toujours en attente des conclusions du rapport de Monique Ronzeau et Bernard Saint Girons. La  position du concours par rapport au master MEEF, actuellement en fin de M1, est remise en question. Les conséquences d’un tel  changement sont multiples, elles affecteraient aussi bien les ESPE que les composantes disciplinaires (voir sur ce sujet l’article de la SMF publié en juillet 2018 [3]). En particulier, ce sont des éléments qui ont une influence forte sur la structure des maquettes et le contenu des formations.

Or, le ministère demande aux ESPE de préparer de nouvelles maquettes pour la rentrée 2019, respectant les nouveaux  textes, mais n’avait donné, jusqu’à présent aucune information sur la position et le contenu des concours dans la formation. Auditionné à l’assemblée nationale le 23 janvier, Jean-Michel Blanquer a déclaré que les  concours enseignants avaient vocation à se dérouler en M2. Le ministre devrait  s’exprimer à ce sujet dans les semaines à venir. Nous espérons qu’il nous fournira des informations précises sur la position et le contenu des concours. Nous nous demandons également comment les étudiants de M2 pourraient concilier en une année la préparation au concours, des stages qu’on espère conséquents, et la rédaction d’un mémoire de master.  De plus, quelle serait dans ce cas la situation des stagiaires, après le M2 : seraient-ils immédiatement placés à plein temps ? Auront-ils encore accès à des formations ?

À l’opposé, le déplacement du concours, ou simplement des épreuves d’admissibilité, en fin de L3 impliquerait des changements importants dans les UFR disciplinaires. Pour les universités qui conduisent en ce moment une réflexion sur la structuration de leurs licences pour une nouvelle accréditation, dans le cadre de la réforme de la licence, c’est encore une information qu’elles devraient avoir dès maintenant : on ne peut raisonnablement construire une offre de formation à publier sur les divers portails en 1 mois !

L’obligation d’élaborer les maquettes en deux temps serait contre-productive. Depuis 2010, la formation des enseignants a été réformée deux fois (réforme dite de «mastérisation» en 2010, puis création  des ESPE et des masters MEEF en 2013 avec la co-existence de deux concours en 2014).  Nouvelles structures, nouveaux cadrages : les équipes s’adaptent, travaillent dans l’urgence, élaborent de nouvelles maquettes. Mais à mesure de ces changements incessants, les personnes se fatiguent et se désengagent, lassées par des revirements dont l’urgence n’est pas évidente.

La consultation, le temps raisonnable laissé pour réfléchir aux programmes, ainsi qu’une information complète et précise, sont des conditions de réussite des réformes à venir.

Stéphane Seuret
Président de la SMF

Thierry Horsin
Président de la SMAI

Jean-Michel Marin
Président de la SFdS


[1] 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques, par Cédric Villani et Charles Torossian.

 

 

 

Publiée le 06.02.2019